CAR WASH OU LA JAVELLISATION DE LA BLAXPLOITATION.
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Si
la Blaxploitation a, selon la vœu de ses pionniers, voulu combattre
et offrir une autre représentation du Noir à l'écran, certaines
œuvres, affiliées à ce mouvement, allaient participer à
précipiter la fin du genre. Compte tenu du succès commercial
qu'elle rencontra, Hollywood décida de s’en emparer. Mais cette
''consécration'' aurait un coût et des effets. L’un d’eux
consista à soumettre ce genre à une opération de javellisation
comme le montre le film Car Wash.
Réalisé
en 1976 par Michael Schultz, le film raconte une journée ordinaire dans
une station de lavage de voiture à Los Angeles. L’entreprise
compte des ouvriers blancs, latinos et noirs. Se croisent ainsi, sous
l’œil bienveillant d’un patron blanc, les espérances et les inquiétudes
de chacun. D’une certaine manière, c’est la nation entière qui est
représentée. La surreprésentation des noirs n’étant là que pour
imprimer un sceau Blaxploitation au film.
Le discours
d’affirmation que portaient certains films n’a plus lieu d’être
ici. Il laisse place au mythe d’une Amérique unie, et que
symbolisent les relations fraternelles entre noirs et blancs qui ne
semblent former qu’un seul corps. Bien d’autres signes sont
''maltraités'' en vue d’une édulcoration de la critique que le
genre pouvait, ou prétendait, porter. Le dernier signe de la
symbolique de la Blaxploitation pourrait être la dérisoire afro
qu’arbore un personnage. Mais elle est dénuée de sens. Elle est
moins le signe d’une revendication identitaire ou politique que le
signe d’une mode disco qui s’annonce. Elle surmonte la tête d'un
personnage qui porte autour du cou une cravate à l’effigie du
drapeau américain. La révolution sera en quelque sorte cool et
dansante et s’exprimera, suite à une semaine de travail, dans la
fièvre du samedi soir.
Toutefois, un
personnage semble parasiter ce beau tableau. Il incarne tout à la
fois le retournement du genre et le refus à tout intégration. C’est
à travers lui que la Blaxploitation est en quelque sorte
symboliquement mise à mort. Il s’agit d’Abdullah. C’est du
moins par ce prénom qu’il souhaite être appelé et non pas par
celui de Duane. Le personnage intrigue. Il se mêle peu aux autres,
préférant moquer l’aliénation de ses frères noirs. Il
est le seul qui ose affronter le patron de manière frontale, et ne
souhaite en aucun cas sympathiser avec le fils de ce dernier qui
multiplie pourtant les efforts pour se fondre dans la masse des
employés. Cette situation aurait pu faire d’Abdullah le personnage
qui observe la mascarade. Mais il en va autrement. Son idéologie le
conduit à se tenir à distance et à s’exclure. En outre, il est
tourné en ridicule dans sa volonté d’affirmer sa fierté d'homme
noir.
Ainsi, Car Wash
n’élude pas la question raciale. Il la traite par ce personnage
quelque peu dérangeant. Car Abdullah l'est comme un fantôme qui
vient rôder et troubler la quiétude du lieu. Il tente d’exprimer,
sans y aboutir véritablement, l’histoire dont il soutient
difficilement l’héritage. Dans la tranquillité du lieu, il est
cette présence à refouler. Fantôme désabusé et prétendument
désaxé, sans lieu de fixation ni horizon de conquête, il cadre mal
avec l’endroit mais également avec le personnage classique de
Blaxploitation. Car il est trop sérieux. Au funk et au disco
qui inondent le lieu de travail, il oppose le son grave d’un
saxophone qu’il triture dans le secret du vestiaire. Aux portraits
de Martin Luther King et Kennedy qui sont vendus devant la station,
il oppose ceux de Malcolm X et de Lumumba qui sont reclus dans la
confidentialité de son casier. Abdullah est censé symboliser une
révolution prétendument morte et qui ne trouve en guise d’échos
que les sarcasmes, l’ironie ou l’indifférence de ses frères
cool ou du vieux cireur de chaussures qui symboliserait la
figure de l’Oncle Tom. Il demeure une exception toutefois.
Celle qu’incarnent deux personnages désillusionnés et taciturnes.
Deux corps presque aphasiques et qui portent des secrets dont on ne
sait presque rien. Le destin de ses deux derniers est-il celui qui
s’offre à Abdullah ?
Dans le sillage des
films produits par Hollywood, Car Wash annonce la fin et la
mise à mort de la Blaxploitation. C’est en cela que réside
l’intérêt de cet œuvre qui fut présenté et primé au festival
de Cannes en 1976.
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